c'est la veilleuse

pistes de développement pour un accompagnement médico-social bienveillant, témoignages et anecdotes de ma vie de soignante, réflexions et échanges.

posté le 26-10-2021 à 15:55:59

La pyjamathérapie

Ouvrez les yeux, vous êtes dans un lit une place, dans une pièce où l'obscurité vous autorise à peine à deviner des volumes qui ne ressemblent en rien à votre nid douillet et votre lit conjugal dans lequel vous jureriez vous être endormi. 

 Partagé entre la peur et l'envie de comprendre, vous vous aventurez derrière cette porte close detourée par un rail de lumière qui laisse supposer que derrière il y aura une réponse. 

Au-delà de cette porte, un grand couloir, il y a une dizaine ou peut-être une vingtaine de portes identiques à celle que vous venez de franchir. Vous n'avez aucune idée d'où vous vous trouvez ni depuis combien vous êtes là, et encore moins de comment vous y êtes arrivé.  

Cela pourrait-être le début du dernier Stephen KING, or il s'agit d'une scène de vie assez fréquente dans les services de soins qui accueillent un public présentant des troubles cognitifs sévères. 

Pour aller à la rencontre de cette personne ( qui ne doit pas être qualifiée de déambulante, mais il s'agit là d'un autre sujet d'article ) le soignant doit veiller à ne pas majorer le climat anxiogène de la situation. 

Voir quelqu'un s'approcher en tenue blanche n'évoque qu'une seule chose : la maladie , je suis malade, un de mes proches est malade, et donc les conclusions sont hatives → je suis inquiet/j'ai peur/ je ne suis pas malade, je suis là contre mon gré.

 

55% de la communication est visuelle ! c'est dire comme notre apparence parle avant même notre voix.

Même si aujourd'hui ces chiffres tirés d'une étude menée par Albert Merhabian, psychologue et professeur de psychologie à l'Université de Californie dans les années 60, sont largement discutés, il ne fait aucun doute que dans le cas d'une personne en perte de repères spatio-temporels tout détail qui puisse lui apporter une information est important. 

 

quel message envoie le port du pyjama par le soignant ? 

• premièrement le lieu, non hostile, un lieu de vie, intime, où l'on se connait et où la fonction ne précède pas l'être humain . 

• deuxièmement le type de relation, où les vies les valeurs et les croyances de chacuns des deux protagonistes sont équipollentes. les deux personnes en tenue de nuit sont égales , et le soignant s'applique à rechercher le consentement de la personne accompagnée dans chacune des propositions de soin qu'il lui fait. 

• Enfin, et l'aspect le plus important dans la pratique : le repère dans le temps. 

Tenue de nuit = c'est la nuit. 

Pour une personne dont les capacités du cerveau ne permettent plus d'interpréter et de décoder certaines données de l'environnement, c'est un détail qui a du sens. 

Là où le ciel noir, les aiguilles de l'horloge, la fatigue et les baillements ne sont pas déchiffrés et associés au besoin de repos, le pyjama du soignant est un indice intéressant pour la personne accompagnée. 

 

 

Le débat devrait désormais se porter vers quel type de pyjama choisir afin de préserver la pudeur de chacun, et ne pas entraver la réalisation des soins techniques. Le vêtement doit être aussi facilement identifiable comme pyjama par les différentes générations accompagnées, exit la combinaison licorne ou le short en été. 

 

Mon choix se porte vers des pantalons amples en coton, aux t-shirts assortis, des couleurs simples sans trop d'informations pour ne pas sur-stimuler les sens de la personne, ce qui pourrait faire le sujet d'un autre article détaillé. 

 

En pratique je constate un public plus apaisé lorsque je porte mon pyjama de travail, qui me dit même parfois vouloir rester calme dans leur chambre puisqu'ils voient que j'étais prête à « aller me coucher » ou vouloir « faire pareil que moi », et au final à travers moi c'est le sommeil de leurs voisins de couloir  qu'ils respectent. 

 

 À l'image de nos pairs Canadiens, à l'initiative de cette pratique, continuons ensemble à réflechir à comment casser intelligemment les codes qui cloisonnent un peu plus chaque jour l'existence des personnes atteintes de troubles cognitifs.  

  

 


Commentaires

 

1. Maritxan  le 16-02-2022 à 13:59:28  (site)

Bonjour laveilleuse,
Votre billet est très intéressant et instructif. J'aurais bien aimé lire la suite. Nous sommes nombreux à avoir quelqu'un de proche qui ressemble à votre descriptif... dans un EHPAD ou ailleurs.
J'espère que vous allez bien !
À bientôt peut-être ! Sourire1

 
 
 
 

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